Existe-t-il une prédisposition génétique au comportement antisocial?

Une étude sur des adolescents suédois précise l’interaction de trois facteurs génétiques

Les expériences positives et négatives influent sur les effets des variantes génétiques sur le cerveau et, par le fait même, sur le comportement, selon une étude publiée aujourd’hui. « De plus en plus de données probantes démontrent que les facteurs environnementaux définissent les effets des variantes de nombreux gènes qui sont communs dans la population. Plus encore, ces variantes génétiques interagissent entre elles », explique Sheilagh Hodgins de l’Université de Montréal et de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal qui lui est affilié. « Nous avons mené une étude visant à déterminer si la délinquance juvénile était associée aux interactions entre trois variantes génétiques communes et les expériences positives et négatives. » Le 11 décembre 2014, Mme Hodgins et ses collègues ont publié l’étude dans l’International Journal of Neuropsychopharmacology.

À Västmanland, un comté suédois, tous les étudiants de niveau secondaire âgés de 17 et 18 ans ont été invités à participer à l’étude. L’invitation a été acceptée par 1 337 jeunes. Ils ont rempli des questionnaires anonymes portant sur la délinquance, les conflits familiaux, les expériences d’abus sexuel et la qualité de la relation avec leurs parents. Un échantillon de salive a également été prélevé, à partir duquel les chercheurs ont extrait l’ADN.

Le gène de la monoamine oxydase A (MAO-A) est un enzyme clé du catabolisme des neurotransmetteurs du cerveau, les monoamines, plus particulièrement de la sérotonine. Le catabolisme est la dégradation de matières organiques complexes avec libération d’énergie au sein de l’organisme. « Environ 25 % des hommes blancs portent une variante de la MAO-A à faible activité. Au sein de ce groupe, les hommes qui ont subi une violence corporelle pendant leur enfance sont plus susceptibles, que ceux qui n’ont pas souffert d’abus, de présenter un comportement antisocial sérieux, à partir de l’enfance jusqu’à l’âge adulte, précise Mme Hodgins. Chez les femmes, c’est plutôt la variante à activité élevée du gène de la MAO-A qui interagit avec l’adversité vécue pendant l’enfance, de façon à favoriser le comportement antisocial. »

Le gène du facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF) module la plasticité neuronale. Le terme « plasticité neuronale » renvoie à la capacité des cellules du cerveau de réorganiser les réseaux et les connexions des neurones tout au long de la vie. « Les variantes de moindre expression du BDNF sont portées par environ 30 % des personnes. Certaines études antérieures ont démontré que ces variantes sont associées à un comportement agressif si les porteurs sont exposés à des pairs agressifs. Le troisième gène que nous avons étudié est le transporteur de sérotonine 5-HTTLPR. La variante à faible activité de ce gène est portée par environ 20 % des personnes. Ceux qui, parmi ces porteurs, sont exposés à l’adversité pendant l’enfance, sont plus susceptibles de présenter un comportement antisocial et agressif. »

« Nous avons découvert que les trois variantes génétiques interagissent entre elles ainsi qu’avec la présence de conflits familiaux et d’abus sexuel de façon à augmenter la probabilité de délinquance. En présence d’une relation parent-enfant positive, les mêmes interactions réduisent le risque de délinquance, selon Mme Hodgins. Parmi les porteurs des variantes à faible activité des trois gènes, ceux qui sont exposés à des conflits familiaux, à des abus sexuels ou aux deux présentent des niveaux élevés de délinquance contrairement à ceux qui vivent une relation positive et chaleureuse avec leurs parents. » Ainsi, les mêmes variantes génétiques étaient associées à des degrés élevé et faible de délinquance, selon l’exposition à un environnement négatif ou positif.

Au sein d’un grand échantillon d’adolescents, les variantes de ces trois gènes communs, MAO-A, BDNF et 5-HTTLPR, interagissent les unes avec les autres ainsi qu’avec des facteurs environnementaux négatifs pour augmenter le risque de délinquance, et avec un facteur environnemental positif pour réduire le même risque. « Ces conclusions s’ajoutent à celles d’autres études qui démontrent que les gènes influent sur le cerveau et, par le fait même, sur le comportement, en modifiant la sensibilité à l’environnement », conclut Mme Hodgins.

À propos de cette étude
Kent W Nilsson, Erika Comasco, Sheilagh Hodgins, Lars Oreland et Cecilia Åslund ont publié « Genotypes do not confer risk for delinquency but rather alter susceptibility to positive and negative environmental factors: Gene-environment interactions of BDNF Val66Met, 5-HTTLPR, and MAOA-uVNTR » dans l’International Journal of Neuropsychopharmacology le 11 décembre 2014.

Sheilagh Hodgins, Ph. D., MSRC, est professeure au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal ainsi que chercheuse à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et au Centre de recherche de l’Institut Philippe-Pinel. Elle est également affiliée au Karolinska Institutet à Stockholm, en Suède.

Les chercheurs ont reçu du financement des organismes suivants : Swedish Research Council (VR), Swedish Brain Foundation, Swedish Labour Market Insurance Company (AFA), Swedish Alcohol Monopoly Research Council (SRA), Swedish Council for Working Life and Social Research (FAS), Regional Research Council d’Uppsala et Örebro, Fredrik and Ingrid Thurings Foundation, conseil de comté de Västmanland, conseil de comté de Stockholm, König-Söderströmska Foundation, Swedish Psychiatric Foundation, Hållstens Forskningsstiftelse et Svenska Spel Research Foundation.

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Personne-ressource auprès des médias
William Raillant-Clark
Attaché de presse à l’international
Université de Montréal
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