Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi nos mains disposaient d’exactement cinq doigts ? L’équipe de la Dre Marie Kmita, oui. Le laboratoire de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) a permis de révéler une partie de ce mystère et sa remarquable découverte vient d’être publiée dans la prestigieuse revue Nature.
Une question d’évolution
On sait depuis plusieurs années que les membres des vertébrés, incluant nos bras et nos jambes, ont comme ancêtres les nageoires des poissons. L’évolution qui a conduit à l’apparition des membres, et tout particulièrement l’apparition des doigts chez les vertébrés, reflète un changement du corps associé à un changement d’habitat, la transition du milieu aquatique au milieu terrestre. Comment cette évolution s’est produite est une fascinante question qui remonte aux travaux de Charles Darwin.
En août dernier, des chercheurs de Chicago ont démontré que deux gènes – Hoxa13 et Hoxd13 – sont responsables de la formation des rayons des nageoires et de nos doigts. « Ce résultat est très excitant, car il établit clairement un lien moléculaire entre les rayons des nageoires et les doigts », dit Yacine Kherdjemil, étudiant au doctorat dans le laboratoire de Marie Kmita et premier auteur de l’article paru dans Nature.
Cependant, la transition de la nageoire au membre ne s’est pas faite d’un coup. L’analyse des fossiles nous indique que nos ancêtres étaient polydactyles, c’est-à-dire qu’ils avaient un nombre de doigts supérieurs à cinq, et soulève donc une autre question clé. Par quel mécanisme l’évolution a-t-elle favorisé la pentadactylie (cinq doigts) chez les espèces actuelles?
Une observation a particulièrement retenu l’attention de l’équipe de la Dre Kmita : « Au cours du développement, chez la souris comme chez l’homme, les gènes Hoxa11 et Hoxa13 sont activés dans des domaines séparés du bourgeon de membre, alors que, chez le poisson, ces gènes sont activés dans des domaines chevauchant la nageoire en développement », mentionne Marie Kmita, directrice de l’unité de recherche en génétique et développement de l’IRCM, professeure-chercheuse agrégée à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et professeure associée au Département de médecine de l’Université McGill.
En essayant de comprendre la signification de cette différence, Yacine Kherdjemil a démontré que, en reproduisant l’activité de type poisson (chevauchant) pour le gène Hoxa11, les souris développent jusqu’à sept doigts par patte, c’est-à-dire un retour au statut ancestral. L’équipe de la Dre Marie Kmita a également découvert la séquence d’ADN responsable de la transition de l’activité du gène Hoxa11 de type poisson et souris. « Cela signifie que ce changement morphologique majeur ne s’est sans doute pas fait par l’acquisition de nouveaux gènes, mais simplement par la modification de leurs activités », ajoute la Dre Marie Kmita.
D’un point de vue clinique, cette découverte renforce la notion que des malformations au cours du développement du fœtus ne sont pas seulement dues à des mutations dans les gènes et peuvent provenir de mutations dans les séquences d’ADN qu’on appelle séquences régulatrices. « À l’heure actuelle, les contraintes techniques ne permettent pas l’identification de ce type de mutation directement chez les patients, d’où l’importance des recherches fondamentales qui utilisent des modèles animaux », commente Marie Kmita.
À propos de l’étude
Le projet de recherche a été réalisé à l’unité de recherche en génétique et développement de l’IRCM par Yacine Kherdjemil, Rushikesh Sheth, Annie Dumouchel, Gemma de Martino et Marie Kmita. Robert L. Lalonde et Marie-Andrée Akimenko, de l’Université d’Ottawa, Kyriel M. Pineault et Deneen M. Wellik, de l’University of Michigan, ainsi que H. Scott Stadler, du Shriners Hospital for Children, ont également collaboré à l’étude.
La recherche a été subventionnée par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Programme des Chaires de recherches du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et génie et une subvention Shriners Hospital Research. Yacine Kherdjemil a également bénéficié d’une Bourse IRCM, Michel-Bélanger de la Fondation de l’IRCM et d’une bourse du programme de biologie moléculaire de l’Université de Montréal.
À propos de Marie Kmita
Marie Kmita a obtenu un doctorat en biologie cellulaire et moléculaire de l’Université de Reims en France. Elle est professeure associée de recherche IRCM et directrice de l’unité de recherche en génétique et développement. La Dre Kmita est également professeure-chercheuse adjointe au Département de médecine (accréditation en biologie moléculaire) de l’Université de Montréal, ainsi que membre associée du Département de médecine (Division de médecine expérimentale) de l’Université McGill. La Dre Kmita est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en embryologie moléculaire et génétique. Pour plus d’information, visitez le www.ircm.qc.ca/kmita.
À propos de l’Institut de recherches cliniques de Montréal
Fondé en 1967, l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) est un organisme à but non lucratif qui effectue de la recherche biomédicale fondamentale et clinique en plus de former une relève scientifique de haut niveau. Doté d’installations technologiques ultramodernes, l’Institut regroupe 33 équipes de recherche qui œuvrent notamment dans le domaine du cancer, de l’immunologie, de la neuroscience, des maladies cardiovasculaires et métaboliques, de la biologie des systèmes et de la chimie médicinale. L’IRCM dirige également une clinique de recherche spécialisée en hypertension, en cholestérol, en diabète et en fibrose kystique ainsi qu’un centre de recherche sur les maladies rares et génétiques chez l’adulte. L’IRCM est affilié à l’Université de Montréal et associé à l’Université McGill. Sa clinique est affiliée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). L’IRCM reçoit l’appui du ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation du Québec.
Source :
Anne-Marie Beauregard
Chargée de communication
Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM)
T 514 987-5555