Mme Chantal Dumoulin s’intéresse aux problèmes urogynécologiques des femmes âgées, comme le prolapsus génital et l’atrophie vaginale. Ses études portent toutefois principalement sur l’incontinence urinaire, un sujet tabou. Pourtant, 2 200 000 Canadiennes souffrent d’incontinence urinaire, et ce problème de santé touche 50 % des femmes âgées de plus de 65 ans.
« L’incontinence urinaire peut affecter grandement la vie des personnes âgées. Elles ne joueront plus au bridge ou ne voyageront plus de peur de déranger tout le monde par leur besoin d’uriner fréquemment. Elles préféreront donc demeurer à la maison et s’isoler », affirme la chercheuse de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM).
Pour le moment, nous remarquons que la thérapie de groupe est très efficace, car il se crée une solidarité entre les participantes et elles se motivent à faire les exercices prescrits.
C’est en raison d’une boutade d’anciens collègues du CHU Sainte-Justine que Mme Dumoulin s’intéressera à l’incontinence urinaire. « À l’époque, tous les physiothérapeutes voulaient travailler avec les enfants. Comme j’étais la petite nouvelle, ces derniers m’ont un jour lancé : “Toi, va donc travailler en obstétrique avec les mamans qui viennent d’accoucher!” Au Département d’obstétrique, plusieurs résidents étaient d’origine française et en France les nouvelles mamans bénéficiaient de traitements en rééducation du plancher pelvien. Ces résidents m’ont alors demandé de créer un programme de renforcement du plancher pelvien. »
Ayant peu de formation en physiothérapie obstétrique, Chantal Dumoulin se documente sur les programmes de rééducation pelvienne existants, mais se rend vite compte que la documentation sur le sujet est presque qu’inexistante. Elle décide alors de faire sa maîtrise à l’Université de Montréal (UdeM) sur le traitement physiothérapique de l’incontinence urinaire d’effort [écoulement brusque de l’urine après un effort, avoir éternué ou toussé] chez les nouvelles mamans en période postnatale.
Dans le cadre de son doctorat à l’UdeM, Mme Dumoulin développera, en collaboration avec le Dr Daniel Bourbonnais un dynamomètre permettant de mesurer la force du plancher pelvien chez les femmes ayant accouché. Cet appareil breveté deviendra un outil central de ses recherches auprès des femmes âgées. En 2007, l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM) recrute Chantal Dumoulin à titre de chercheuse, en raison de son expertise en incontinence urinaire.
De son laboratoire à l’IUGM, Mme Dumoulin chapeaute présentement le Projet GROUP où participent plus de 400 femmes de 60 ans et plus. Son équipe souhaite comparer deux traitements (un individuel et un de groupe) de rééducation des muscles du plancher pelvien pour traiter l’incontinence urinaire et établir le rapport coût-efficacité de ces deux méthodes. « Pour le moment, nous remarquons que la thérapie de groupe est très efficace, car il se crée une solidarité entre les participantes et elles se motivent à faire les exercices prescrits », indique la physiothérapeute.
L’étude, qui prendra fin en 2016, a aussi permis de découvrir que les femmes atteintes d’incontinence urinaire ont souvent un problème d’attention divisée sur le plan cognitif, ce qui rend difficile la réalisation de deux actions simultanément comme par exemple retenir l’urine et se rendre rapidement aux toilettes. « Pour remédier à ce problème, nous avons élaboré un programme de 12 semaines à l’aide d’un jeu de danse virtuel où les femmes doivent effectuer des mouvements de danse, comme ouvrir les jambes, et contracter en même temps les muscles pelviens. Environ 90 % des participantes ont noté une atténuation ou une réduction de la fréquence et de la quantité des pertes urinaires involontaires au terme du programme. » Un DVD est né de ces exercices de gymnastique pelvienne et un livre grand public est en préparation.
Afin de « détaboutiser » l’incontinence urinaire et mieux traiter les femmes qui en sont affligées, le transfert des connaissances est primordial pour Mme Dumoulin. C’est dans cet esprit qu’elle a mis sur pied en 2010 le microprogramme de deuxième cycle en rééducation périnéale et pelvienne à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal où la chercheuse est professeure titulaire. Son expertise en incontinence urinaire l’a aussi amenée à enseigner et à participer à des conférences, notamment en Chine, en Nouvelle-Zélande et en Suisse. « J’adore voyager et mon travail m’offre la chance de le faire. Marcher dans la partie sauvage de la grande muraille de Chine et faire du ski alpin dans la région d’Interlaken en Suisse font partie de mes souvenirs les plus mémorables. »
Décembre 2016
Rédaction : Técia Pépin
Photo : Bonesso-Dumas