Par Mylène Tremblay
La pandémie a révélé comme un effet de loupe l’épuisement professionnel chez les médecins. Comment prévenir les burnouts et assurer une sécurité psychologique au sein des équipes ? La psychiatre Claire Gamache et la médecin Sandra Roman exposent des pistes d’intervention pour favoriser une culture de soutien et d’épanouissement dans une perspective de croissance post-traumatique.
Depuis 15 ans, la présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec Claire Gamache s’échine à trouver de nouvelles façons de prévenir l’épuisement professionnel qui touchent près de 40 % du corps médical. Elle travaille de pair avec la Dre Sandra Roman, médecin conseil à la Direction de santé publique au CISSS de Laval. « En médecine, les exigences sont extrêmement élevées. On fonce, comme sur un pilote automatique. Il est temps de changer la culture médicale », estime la Dre Gamache, aussi professeure adjointe au Département de psychiatrie et d’addictologie de la Faculté de médecine.
Un problème de longue date
Une récente étude parue dans Frontiers in Psychiatry menée auprès des travailleurs de la santé québécois trois mois après la pandémie a révélé que la résilience et le soutien organisationnel pourraient permettre de prévenir l’épuisement professionnel, le trouble de stress post-traumatique, l’anxiété et la dépression.
Mais c’est l’étude sur l’épuisement professionnel chez les médecins américains, parue en 2012 dans le journal de l’American Medical Association (JAMA), qui a « ouvert les yeux à la communauté médicale », selon la Dre Gamache. Les résultats étaient sans équivoque : les médecins sont à la fois plus susceptibles de présenter des symptômes d’épuisement professionnel (37,9 % contre 27,8 %) et d’être insatisfaits de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée par rapport à l’ensemble des travailleurs.
Pistes d’intervention pour remédier à l’épuisement professionnel
Former des groupes de pairs
« C’est important de pouvoir discuter avec des gens qui vivent la même chose que nous, un concept préconisé dans l’armée auprès des personnes qui sont allées dans des zones de guerre », indique la Dre Gamache. Il s’agit de jumeler des médecins et de les amener à mettre des mots sur les émotions douloureuses vécues au travail dans une perspective de reconstruction.
Favoriser le bien-être et le sentiment d’accomplissement
Ça passe par la reconnaissance, la flexibilité et le soutien. « Le travail des médecins est exigeant. Il faut les entourer de gens performants à tous les niveaux – informatique, relationnel, professionnel. La prise en charge des patients doit se faire en équipe », estime la Dre Roman.
Pratiquer la culture juste
Quand survient un incident – un patient qui se plaint, une chicane qui éclate dans la salle d’attente, un résultat qu’on oublie de transmettre – il ne s’agit pas de chercher un coupable ni de rejeter la faute sur qui que ce soit. Mais plutôt de comprendre la cause du problème et de voir ce qu’il faut améliorer. « La culture juste reconnaît que les humains sont faillibles et que les erreurs sont inévitables. Elle se caractérise par un climat de sécurité psychologique. Le bien-être au travail dépend beaucoup de l’environnement », remarque la Dre Gamache.
« Pour trouver des solutions et éviter ainsi la perte de sens, ça prend un village. C’est à travers la résilience collective qu’on va réussir à se sortir de la pandémie », conclut la Dre Roman
Pour d’autres outils de soutien, inscrivez-vous à la formation de la Direction du développement professionnel continu (DPC), La santé mentale : mise à jour en psychiatrie pour le médecin de famille et son équipe, les 17 et 18 février.