Comment deux personnes parviennent-elles à se comprendre ? Que se passe-t-il dans nos cerveaux pendant une conversation ? La plupart des études abordant cette question, que ce soit en linguistique, en neurosciences ou en psycholinguistique, portent sur des mots ou des phrases isolés. Ces travaux reposent tous sur une hypothèse forte : le sens est construit progressivement, mot à mot, en construisant peu à peu une structure syntaxique qui permet à son tour de construire une structure sémantique. C’est l’hypothèse de la « compositionnalité ». Cette hypothèse ne permet cependant pas d’expliquer pourquoi nous parvenons à saisir le sens de façon extrêmement rapide, de le reconstituer lorsque le signal est bruité ou encore lorsque le locuteur produit des phrases incomplètes ou mal formées. Une hypothèse de plus en plus avancée est que les cerveaux des interlocuteurs fonctionnent peu à peu de la même façon au cours d’une conversation, ils « convergent » grâce à la prédictibilité du langage. Je donnerai tout d’abord dans cet exposé quelques éléments illustrant ce phénomène d’alignement entre locuteurs, et je présenterai ensuite un modèle neuro-cognitif permettant d’expliquer comment le sens se construit, de façon rapide, efficace et robuste pendant une conversation.
Philippe Blache
Philippe Blache est Directeur de Recherche au Laboratoire Parole et Langage (CNRS & Aix-Marseille Université). Il a dirigé plusieurs laboratoires du CNRS, il a également fondé et dirigé l’ILCB (Institute of Language, Communication and the Brain). Son domaine de recherche est le traitement automatique des langues naturelles et il s’intéresse plus particulièrement à la modélisation du traitement du langage en interaction. Ses contributions portent sur des aspects théoriques, computationnels et cognitifs. Il travaille au développement d’un modèle du traitement du langage permettant d’expliquer les mécanismes à l’œuvre en situation naturelle. Dans le cadre de l’ILCB, il étudie les bases cérébrales du traitement du langage en conversation, en modélisant les phénomènes interactionnels et recherchant leurs corrélants cérébraux.
Source : École d’orthophonie et d’audiologie